Vers une gestion durable des déjections animales en production porcine

27 février 2023

Vers une gestion durable des déjections animales en production porcine


Stéphane Godbout, entouré de Patrick Brassard et Vincent Desbiens, devant les installations
du laboratoire Sol-Air de l’IRDA permettant d’effectuer des expériences sur la gestion
des déjections animales.


Par Vincent Pelletier
Directeur adjoint R et D – Pôle Pratiques agricoles



En janvier 2023, Stéphane Godbout, chercheur en génie agroenvironnemental à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA), a été invité au Banff Pork Seminar, à titre d’expert, pour présenter l’état des connaissances sur les différents maillons de la chaine de gestion des fumiers et des lisiers de porcs. J’ai eu la chance de m’entretenir avec lui afin de dresser un topo de cette thématique et de discuter de sa vision du futur à cet égard.

Une thématique qui refait surface!
Lorsque la réglementation sur le phosphore a été instaurée il y a quelques années au Québec, les surplus de fumiers ont été épandus sur des terres fraîchement acquises ou grâce à des ententes d’épandage avec d’autres producteurs aux dépens de l’adoption de meilleures pratiques de gestion. Cependant, selon Stéphane Godbout, l’intérêt pour le développement et l’application de meilleures stratégies de gestion et de traitement des fumiers et des lisiers a refait surface ces dernières années grâce aux objectifs de carboneutralité et de réduction des gaz à effet de serre. L’IRDA développe d’ailleurs des solutions efficaces et pratiques à l’échelle de la ferme afin de répondre à ces objectifs.

M. Godbout affirme qu’au bâtiment, la fréquence de vidange, de raclage et de lavage peut être ajustée afin de réduire les émissions de GES et d’ammoniac. Ses projets ont permis de valider qu’une réduction d’environ 30 % est effectivement possible en optimisant la fréquence de raclage. Des équipes de recherche en Hollande et en France ont obtenu des résultats similaires en développant des robots pouvant nettoyer efficacement le fond de la pré-fosse sous les lattes. Un nettoyage adéquat assure également de limiter la multiplication des pathogènes tout en y éliminant la présence d’inoculum. Une solution de traitement aérobie permettant de réduire la présence de pathogènes, d’émission d’odeurs et de GES a d’ailleurs été développée à l’IRDA. Cette technologie a suscité beaucoup d’intérêt de la part des participants au Banff Pork Seminar, qui regroupait plus de 650 personnes de l’industrie porcine provenant du Canada, des États-Unis, de l’Europe et de l’Asie.

L’équipe de Stéphane Godbout collabore également avec celle du chercheur Patrick Brassard sur différents projets permettant de tester et de développer des solutions bénéfiques d’enfouissement, de retournement ou de dépôt au sol pour la réduction de GES et d’odeurs tout en limitant la dispersion des bioaérosols.

Ce que l’avenir nous réserve
En plus de l’utilisation de robots et de l’application de procédés de traitement et de meilleures techniques d’épandage, le futur de la gestion des déjections animales passera par une séparation en deux phases, affirme celui qui est chercheur à l’IRDA depuis plus de 20 ans. On pourrait ainsi bénéficier davantage de l’azote disponible dans la fraction liquide pouvant être entreposée dans des caves profondes. L’azote ne serait alors plus retenu par le phosphore majoritairement contenu dans la fraction solide qui pourrait, quant à elle, être valorisée principalement sur les champs qui en bénéficieraient le plus. La stratégie des 4R (The Right source at the Right rate at the Right time and in the Right place) pourrait ainsi être appliquée plus facilement. Quant à eux, les bioaérosols dégagés lors de l’épandage constituent, en quelque sorte, des déchets qui peuvent terminer leur course dans les poumons des animaux et des humains. Ces contaminants sont associés à différentes maladies affectant la santé globale et engendrent d’énormes coûts pour la société. Ces solutions doivent être appliquées rapidement pour léguer aux générations futures un environnement et des terres en santé.

Concept « Une seule santé »
L’application de solutions à la source permettrait de régler une partie de cette problématique. À ce propos, Stéphane Godbout travaille depuis quelques années avec des vétérinaires, des médecins, des agronomes et des ingénieurs. Ainsi, il peut assurer que son programme de recherche s’imbrique dans les trois piliers de l’approche « Une seule santé », soit la santé humaine, la santé animale et la santé environnementale. Cette vision systémique permet d’évaluer la problématique sous de multiples facettes et ainsi développer les meilleures pratiques en agroenvironnement, entre autres en matière de gestion et traitement des déjections animales.

F